MtoM
Ce texte, écrit en 2021 rend compte de l’ignorance que produit l’appartenance aux classes populaires, du pouvoir qu’exerce le regard des autres dans l’enfance et ses conséquences désastreuses.
Il exprime la rage de ma génération X, rage développée par le manque d’accès aux savoirs sur les corps différents, sur la sexualité.
En toile de fond il y a les années 70 dans le nord de la France où lesbophobie, sexisme et misogynie alimentent l’agressivité généralisée et quotidienne contre toutes formes de différence.
Le manque de repères sur les questions liées aux corps, aux genres et aux sexualités ont été constitutifs de toute ma vie.
L’imaginaire se confond dans la narration comme des soupapes de possibles. Je transitionne en oiseau. Un chien me trahi et je le fusionne à un homme cis. Les rêves ponctuent l’histoire, chargés de ce que nous n’arrivons pas à exprimer consciemment.
Faire Corps
N°10 FemmesPHOTOgraphes


Pouvoir et Résistance
N°7 FemmesPHOTOgraphes
Édito du N°7 FemmesPHOTOgraphes
Pouvoir et Résistance
Toute chose devient résistante dès lors que son effort pour persévérer rencontre une force qui tend à l’amoindrir, à la contrarier, voire à lui ôter son existence. L’individu·e est touché·e dans son corps par quelque chose qu’il subit, que ce soit la violence, la maladie, la précarité, l’exil, et cela transforme son existence. Ces souffrances ont une dimension collective, et reflètent la manière dont la société exerce son pouvoir par la guerre, par le racisme et la xénophobie, par la domination du capitalisme et de l’image.
En partant de ce constat, il nous est apparu indispensable de questionner nos propres relations aux pouvoirs et nos formes de résistance, collectives et individuelles.
Depuis trois ans nous rendons visibles des photographes femmes. Cela pour essayer de freiner l’emprise du pouvoir sur les images diffusées, qui uniformisent le regard, donc excluent (que ce soit en termes de représentation de genre, de classe, de race, ou de toute différence vis-à-vis de la norme), et aussi pour construire des liens plus égalitaires entre les formes artistiques articulées autour de l’image et de ses médiatisations.
La résistance vient de là où la violence a été transformée par celles et ceux qui la subissent. Car si la logique de pouvoir structure à l’avance le champ de l’agir défensif, les corps travaillent en retour les normes qui les constituent. Comme le dit Elsa Dorlin, les dispositifs de pouvoir procèdent : “[…] en ciblant ce qui relève d’une force, d’un élan, d’un mouvement polarisé à se défendre, balisant pour certain.e.s sa trajectoire, favorisant son déploiement par un cadre légitime, sa possibilité même, rendant cet élan inhabile, hésitant ou dangereux, menaçant, pour autrui comme pour soi-même.” 1 Les deux forces antagonistes, pouvoir et résistance, se font face.
Pour faire front, nous avons choisi des photographes qui relèvent le défi d’une résistance qui s’ancre dans leur expérience et la connaissance intime de leur sujet. Elles se battent pour donner à voir ce qu’elles ont vu ou vécu, pour montrer que la résistance passe déjà par son propre corps pour ensuite s’étendre à une forme d’altérité.
Nous faisons confiance aux savoirs singuliers de l’individu·e et à son regard.
Notre savoir est d’être au monde, avec comme forme de résistance une éthique commune du respect de toutes et tous, qu’elles qu’elles soient et quels qu’ils soient.
1. Elsa Dorlin, Se défendre, La Découverte, 2019, p.16.
Interview réalisé par FemmesPHOTOgraphes
N°2 - 2017


Carnaval
Malo les Bains - mars 2017
Peux-tu nous parler du contexte dans lequel ont été faites ces prises de vue ?
C’est à l’editing que la construction de cette série s’est faite. En découvrant les photos après développement de la pellicule, j’ai trouvé que les moments où j’étais parvenue à rentrer dans la foule étaient très intéressants, que le rapport à la violence et à la joie mélangées était très fort. Cette chose-là m’a toujours impressionnée et c’est ce que j’ai essayé de retranscrire à travers ce choix d’images. Cette énergie masculine violente et forte.
Une énergie brutale, tactile ? Lorsque tu étais au milieu de cette foule, comment te sentais-tu ?
Moi ? J’avais peur.
Oui je veux bien te croire.
On voit beaucoup d’hommes habillés en femmes sur tes images. Et les femmes comment sont-elles habillées ?
Les femmes, elles, ne sont pas habillées en hommes. Elles sont plus déguisées en clowns ou en n’importe quoi, tandis que les hommes se déguisent en femmes. Ou plutôt, la façon dont ils se représentent la femme et le désir qu’ils en ont. C’est ce qui m’a intéressée : la perception qu’ils ont des femmes.
Une représentation faite de bas résilles et de gros seins !
Oui Il y a un côté populaire, très grivois.
Ce qui ressort dans l’ensemble des photos choisies est que l’on se déguise en un autre très différent de soi, presque à l’opposé de soi. Et dans cette constatation, c’est assez drôle de voir que les hommes se déguisent en femme comme si ce qui était le plus loin d’eux était les femmes.
Le carnaval est l’occasion de se mettre dans le costume d’un autre, de s’approprier cet autre. Ici, lorsque les hommes se déguisent en femme, on sent très bien qu’ils ne veulent pas être une femme, ce n’est pas du tout se mettre dans le corps des femmes.
Selon toi, ils cherchent à se moquer ?
On peut lire ça comme ça. En tout cas, je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse ici de chercher à mieux connaitre l’autre. Ces hommes cherchent à se représenter autrement, pas nécessairement pour comprendre cet autre en mettant son costume, mais en portant le féminin en dérision par exemple. J’ai l’impression que sont mis en rapport des notions de dominant dominé. Si l’on regarde ces photos attentivement, on remarque que les déguisements choisis sont des costumes d’indiens, de femmes, de zoulous…
Ce qui revient dans toutes ces images, c’est la différence et sa stigmatisation. Le déguisement vise aussi à détourner les influences maléfiques. Le lien est facile à faire, mais ce n’est pas dénué de sens.
Je veux dire qu’ils pourraient très bien s’habiller en tyroliens ! Mais non, ils choisissent de s’habiller en zoulous ! Il faut être autre, et surtout que cet autre soit loin de soi. Ici, se déguiser, c’est perdre son individualité et son identité. C’est tout.
Finalement perdre son identité, c’est aussi s’en libérer, et ainsi pouvoir tout se permettre.
Oui bien sûr ! D’où cette beuverie générale ! Mais c’est une caractéristique du carnaval de Dunkerque. Se lâcher, perdre son identité, glisser en dehors de ses propres limites.
On dit d’ailleurs que ce qui est vécu au carnaval reste au carnaval.
Oui, et de ce que je sais, dans le monde entier cela se passe de la même manière. Être un autre, me cacher derrière un masque, me laisse libre de réaliser tous mes fantasmes sans être jugé par ma communauté, cela parce que je deviens étranger, pour un temps seulement...
Nous avons abordé l’exemple du différent dans les costumes mais il y a aussi pour certains la volonté de se mettre dans la peau d’un personnage qu’ils admirent. Lors de l’un de mes premiers passages au carnaval de Dunkerque, je me souviens avoir assisté à une scène où deux hommes d’une cinquantaine d’années se saluaient avec énormément de respect, l’un était Superman et l’autre le Capitaine Crochet ! Ils avaient une admiration réciproque pour leur personnage et cela se sentait très fort dans leur manière de se dire bonjour.
Ce n’est pas ce visage-là du carnaval que tu as cherché à nous montrer dans tes images. Qu’est-ce que tu as voulu mettre en avant alors ?
La violence de voir un petit garçon déguisé en zoulou d’il y a trois siècles, une caricature en quelque sorte, et celle des hommes ensemble, de l’alcool, de toutes ces choses-là très bruyantes, et très claniques aussi.
Est-ce que c’est une rencontre de l’autre qui a échoué ?
En tout cas, c’est pour moi un constat d’échec concernant la manière qu’ont ces gens de voir l’autre. La représentation qu’ils donnent à voir de l’étranger est accablante.
Je ne veux pas juger ni montrer du doigt. J’ai juste voulu retranscrire la violence que j’ai perçue dans leur manière d’être ensemble, de pratiquer une tradition. Et cela avec un esprit clanique qui t’exclut si tu n’es pas des leurs.